Des astronomes photographient une exoplanète géante gazeuse plus jeune que Jupiter

Conception artistique de l’exoplanète 51 Eridani b, semblable à Jupiter, vue dans l’infrarouge proche. (Crédit : D. Futselaar/F. Marchis/SETI)

Une des meilleures façons de comprendre comment notre système solaire a évolué est d’étudier des systèmes extrasolaires beaucoup plus jeunes que le nôtre. C’est ce qu’ont accompli des astrophysiciens de l’Institut de recherche sur les exoplanètes (iREx) de l’Université de Montréal en collaboration avec une équipe internationale de chercheurs dirigée par le professeur Bruce Macintosh de l’Université Stanford. Grâce à l’instrument Gemini Planet Imager (GPI) sur le télescope Gemini Sud de 8 mètres au Chili, l’équipe a pu prendre une image d’une exoplanète très semblable à la planète Jupiter mais beaucoup plus jeune.

Cette nouvelle planète, dont le nom est 51 Eridani b, est la toute première exoplanète découverte et imagée par l’instrument GPI mis en service au début de l’année 2014. Cette exoplanète est un million de fois moins brillante que l’étoile autour de laquelle elle est en orbite. Une étude approfondie de la lumière émise par 51 Eridani b montre la présence de méthane la plus importante jamais observée à ce jour dans l’atmosphère d’une exoplanète.

 

Un œil de lynx!

L’instrument GPI a été tout particulièrement construit pour la découverte des exoplanètes jeunes et très peu brillantes autour de leur étoile par imagerie directe. À titre de comparaison, la mission Kepler de la NASA utilise une méthode indirecte en étudiant les fluctuations lumineuses des étoiles causées par la présence d’exoplanètes. « Pour détecter des exoplanètes, Kepler voit  indirectement les effets de leur ombre sur les étoiles. GPI, lui, voit directement briller les exoplanètes », précise Bruce Macintosh. « GPI fait des images des exoplanètes en utilisant la puissance de l’optique adaptative tout en bloquant la lumière très brillante d’une étoile (coronographie) pour faire ressortir les exoplanètes en orbite autour d’elle. »

« L’instrument GPI, fruit d’une collaboration internationale, possède un œil de lynx conçu pour détecter et imager des exoplanètes », précise René Doyon, professeur au Département de physique de l’Université de Montréal et directeur de l’iREx, dont la collaboration avec le laboratoire infrarouge de l’Université de Californie à Los Angeles, l’Université Laval, l’Observatoire du Mont-Mégantic, l’Institut national d’optique (INO) a permis de développer, construire et tester l’optique de GPI.

Depuis l’installation de GPI à Gemini Sud au Chili en 2014, l’équipe a déjà observé plus de 100 étoiles jeunes.

« C’est exactement ce type d’exoplanètes que nous avions prévu de découvrir avec GPI », précise James Graham, professeur à l’Université Berkeley et responsable scientifique pour GPI.

C’est la jeunesse de l’étoile hôte – seulement de 20 millions d’années – autour de laquelle l’exoplanète découverte est en orbite qui rend sa détection possible. Lorsque les systèmes planétaires se forment en agglomérant du matériel cosmique, les exoplanètes naissent en étant relativement chaudes. Au cours de leur 100 premiers millions d’années de vie, elles vont donc rayonner toute cette énergie accumulée durant leur formation initiale. Ce rayonnement se détecte alors dans le domaine des longueurs d’onde infrarouges, domaine dans lequel GPI excelle.

Une fois l’étoile hôte 51 Eridani sélectionnée par l’équipe GPI, les chercheurs ont bloqué sa lumière avec un masque pour pouvoir y découvrir l’exoplanète 51 Eridani b située un peu plus loin de son étoile que Saturne ne l’est de notre Soleil. Les observations ont alors révélé qu’elle possédait une masse d’environ deux fois celle de Jupiter et une température de 400oC faisant d’elle l’exoplanète géante la moins massive et la plus froide directement imagée à ce jour. Encore plus exceptionnel, les traces de méthane observées dans l’atmosphère de 51 Eridani b sont les plus importantes jamais découvertes à ce jour sur une exoplanète. Les précédentes exoplanètes découvertes selon la même technique n’ont montré que quelques traces de méthane dans leur atmosphère, bien loin des géantes gazeuses très riches en méthane de notre système solaire.

Toutes ces découvertes sont donc autant d’indices qui prouvent que cette exoplanète serait une copie de la planète Jupiter mais prise dans une période relativement jeune de son histoire. « C’est la première fois que l’on détecte directement une exoplanète dont l’atmosphère et la distance à son étoile sont semblables à celles des planètes géantes de notre propre système », précise Julien Rameau, chercheur à l’iREx.

51Eridanib

Image de l’exoplanète 51 Eri b avec GPI prise en infrarouge, le 18 décembre 2014. L’étoile centrale a été enlevée par des masques et le traitement des données pour permettre la détection de l’exoplanète, ici au Sud, un million de fois plus faible. Les résidus lumineux proches de l’étoile sont des reliquats des processus de traitement. Crédit : J. Rameau [iREx/UdeM] et C. Marois [NRC, Herzberg]

Les clés de notre Système solaire?

En plus d’enrichir le catalogue des planètes connues, l’instrument GPI fournit des indices précieux sur la façon dont se forme les systèmes planétaires. Les astronomes pensent que les planètes géantes gazeuses de notre Système solaire se sont formées d’abord par la constitution d’un gros noyau, sur une période de quelques millions d’années, et ensuite par l’accrétion de quantité d’hydrogènes et d’autres gaz pour former une atmosphère. Mais, les exoplanètes de type Jupiter qui ont jusqu’ici été découvertes sont beaucoup plus chaudes que les prédictions des modèles, laissant supposer qu’elles pourraient s’être formées beaucoup plus vite en accumulant plus de matière très rapidement. 51 Eridani b est suffisamment jeune pour avoir conservé des étapes de sa formation. « Cette planète pourrait s’être formée d’après le même mécanisme que Jupiter », rajoute Bruce Macintosh.

Il y a des centaines de planètes un peu plus grosses que la Terre à l’extérieur de notre Système solaire,  dit Macintosh, mais il n’y a jusqu’à présent aucun moyen de savoir si elles sont vraiment « super-Terre » ou des « mini-Neptune » faites de gaz et de glace ou quelque chose de tout à fait différent. L’utilisation de GPI pour étudier plus de jeunes systèmes solaires tels que 51 Eridani aidera les astronomes à comprendre la formation des planètes dans notre voisinage solaire et si ce mécanisme est commun à tout l’Univers.

Les résultats de cette étude son publiés dans la prestigieuse revue Science : http://www.sciencemag.org/lookup/doi/10.1126/science.aac5891 

 

À propos de GPI

GPI est un projet international mené sous la direction scientifique de Bruce Macintosh et du directeur de projet David Palmer, tous deux du Lawrence Livermore National Laboratory (LLNL). Une équipe de chercheurs du American Museum of Natural History dirigée par Rebecca Oppenheimer a, quant à elle, conçu des masques optiques spécifiques utilisés dans le coronographe de l’instrument afin de bloquer la lumière diffuse qui pourrait altérer la lumière des exoplanètes observées. De son côté, une équipe de la NASA du Jet Propulsion Laboratory, sous la supervision de l’ingénieur Kent Wallace, a construit le senseur de front d’onde ultra sensible permettant de mesurer les perturbations de la lumière reçue causées par l’atmosphère terrestre pouvant nuire à la détection d’une exoplanète.

Le design optique, la construction et les tests du spectrographe composant l’instrument ont été réalisés grâce à l’équipe dirigée par le professeur James Larkin du laboratoire infrarouge de l’Université de Californie à Los Angeles, en collaboration très étroite avec les professeurs René Doyon, directeur de l’iREx au Département de physique de l’Université de Montréal, et Simon Thibault de l’Université Laval. Le personnel de l’Observatoire du Mont-Mégantic, de l’INO à Québec et la compagnie Immervision de Montréal ont également participé au développement du spectrographe.

Le puissant logiciel de dépouillement et d’analyse de données a été conçu et écrit sous la direction d’une équipe de chercheurs de l’iREx de l’UdeM en collaboration avec le Dunlap Institute de Toronto, le Space Telescope Science Institute et le Conseil national de recherches du Canada – Herzberg. Ce logiciel permet de transformer l’information spectrale de chaque pixel en un cube tridimensionnel de données.

 

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