Une équipe de chercheurs de l’Université Laval, membre du CRAQ, a produit la première carte tridimensionnelle de la nébuleuse du Crabe grâce à l’instrument SpIOMM. Ce spectro-imageur unique en son genre a été conçu par des étudiants sous la direction du professeur Laurent Drissen du Département de physique, de génie physique et d’optique de l’Université Laval. Il permet de mesurer simultanément la vitesse des filaments de gaz d’une nébuleuse et de les convertir en une représentation en trois dimensions.
La nébuleuse du Crabe, connue aussi sous le nom de M1, a été découverte par l’anglais John Bevis en 1731. Cette nébuleuse est le rémanent de supernova le plus connu et le plus remarquable. C’est un nuage de gaz en expansion créé par l’explosion d’une étoile massive observée en l’an 1054. Près de 1 000 ans plus tard, grâce à l’(e)SpIOMM du mont Mégantic, la nébuleuse du Crabe se dévoile en trois dimensions.
SpIOMM, pour Spectromètre Imageur de l’Observatoire du Mont-Mégantic, est un spectromètre imageur à transformée de Fourier conçu par Frédéric Grandmont dans le cadre de sa thèse de doctorat à l’Université Laval. Plus concrètement, il s’agit d’un instrument astronomique capable d’obtenir des cubes de données composés d’images à différentes longueurs d’onde. Ainsi, pour chaque pixel de l’image (ci-dessus), on obtient une multitude d’informations en longueur d’onde (spectres). Aucune information n’est perdue, aucune longueur d’onde ne lui échappe. Le cube de données, qui inclut des raies spectrales d’hydrogène, d’azote, d’oxygène et de soufre, permet non seulement de déterminer la composition chimique en chaque point de la nébuleuse, mais aussi la densité des filaments, ainsi que la vitesse à laquelle le gaz se déplace par rapport à nous.
Lors de l’explosion de la supernova il y a mille ans, le gaz a été éjecté de l’étoile à des vitesses atteignant 10 000 km/s. Ce matériel a ralenti graduellement au fil du temps mais, encore aujourd’hui, la vitesse des filaments demeure importante. Les données obtenues avec SpIOMM indiquent que le gaz se déplace à des vitesses de l’ordre de 1 500 km/s. La carte tridimensionnelle de la nébuleuse du Crabe obtenue grâce à SpIOMM a permis de mettre en évidence une forte asymétrie dans la morphologie des filaments, la densité électronique du gaz de la nébuleuse, ainsi que l’abondance relative d’azote. L’animation tridimensionnelle du Crabe indique par ailleurs clairement que l’explosion ne s’est pas produite de manière symétrique et homogène. On y voit une structure très filamenteuse parsemée de grumeaux de différentes densités. L’étude de la nébuleuse du Crabe a fait l’objet du mémoire de maîtrise de Maxime Charlebois. L’équipe de l’Université Laval applique aujourd’hui la même technique de spectroscopie tridimensionnelle (aussi appelée imagerie hyperspectrale) à d’autres objets de la Voie lactée, tels que Cassiopeia A, un rémanent de supernova encore plus jeune que M1. L’objectif est de mieux comprendre les mécanismes qui régissent l’explosion des étoiles massives et qui permettent aux éléments lourds éjectés par les supernovæ de se mélanger au milieu interstellaire.
L’équipe du professeur Drissen, titulaire de la Chaire de recherche en astrophysique des étoiles massives et imagerie hyperspectrale, a proposé, en collaboration avec la compagnie ABB de Québec, une version améliorée de SpIOMM, appelée SITELLE, pour le télescope Canada-France-Hawaii. SITELLE permettra, entre autres, de mesurer le taux de formation d’étoiles dans l’Univers au cours des derniers cinq à sept milliards d’années.
Lien vers l’article dans la revue The Astronomical Journal : http://iopscience.iop.org/1538-3881/139/5/2083/