Les premières lumières de SPIRou!

Les premières lumières de SPIRou!
Portion d’une image du détecteur de SPIRou lors des observations d’AD Leo, une naine rouge active située à 16 années-lumière de nous. Crédit : équipe SPIRou

Une étape importante vient d’être franchie pour SPIRou, le nouveau spectropolarimètre du télescope Canada-France-Hawaii (TCFH) spécialisé dans la chasse aux exoplanètes. Le 24 avril, vers 19 h 50 heure de Hawaï, l’instrument a recueilli, pour la première fois, la lumière provenant d’une étoile. Au cours des quelques nuits suivantes, SPIRou a réuni une impressionnante collection de 440 spectres de 24 étoiles, et a démontré par la même occasion quelques-unes de ses capacités uniques. Toute l’équipe d’ingénieurs et de scientifiques français, canadiens, suisses et taïwanais se réjouit des excellentes performances de l’instrument.

SPIRou (SpectroPolarimètre InfraRouge) est un spectropolarimètre à haute résolution et un vélocimètre de haute précision. Il a été conçu pour découvrir des planètes semblables à la Terre en orbite autour des étoiles les plus proches du Soleil. Lors de sa première mission scientifique, qui s’est déroulée du 24 au 30 avril dernier, SPIRou a observé des étoiles plus froides et moins massives que le Soleil, connues sous le nom de « naines rouges ». Elles sont aussi très nombreuses; la quasi-totalité des étoiles du voisinage solaire sont des naines rouges. Pendant les 3 nuits dégagées de cette première mission, SPIRou a permis d’acquérir un total de 440 spectres de 24 différentes naines rouges.

Vue d’artiste d’une naine rouge active semblable à AD Leo, connue pour ses énormes éruptions stellaires. AD Leo a été la première étoile observée avec le nouvel instrument SPIRou du TCFH. Crédit : Casey Reed / NASA

La première étoile observée avec SPIRou est AD Leonis, située à 16 années-lumière de la Terre dans la constellation du Lion, connue pour ses puissantes éruptions stellaires et ses forts champs magnétiques. On a pu vérifier, entre autres, qu’on arrivait bien à détecter ses champs magnétiques. Ces premières observations ont été réalisées par Claire Moutou, astronome résidente au TCFH, avec l’aide de toute l’équipe d’observation du télescope. Elles ont ensuite été traitées et analysées par Jean-François Donati (IRAP / OMP, UPS, CNRS / ISU), le chercheur principal de SPIRou.

Au cours de l’été, les observations du grand relevé de planètes de SPIRou, qui permettra de trouver les systèmes planétaires les plus proches du Soleil, pourront commencer. « SPIRou est un instrument unique et puissant », affirme René Doyon, cochercheur du projet, directeur de l’Observatoire du Mont-Mégantic (OMM), membre du Centre de recherche en astrophysique du Québec (CRAQ) et professeur à l’Université de Montréal. « À l’Institut de recherche sur les exoplanètes, nous sommes tous très enthousiastes à l’idée qu’il nous permette sous peu de trouver les mondes habitables les plus proches de la Terre, ceux que nous pourrons observer plus en détails. »

SPIRou opère dans le domaine de l’infrarouge et utilise une technique connue sous le nom de « vélocimétrie par effet Doppler » pour mesurer la vitesse radiale. En combinant avec les mesures de la polarimétrie des étoiles, il permet de déceler les infimes variations qui trahissent la présence de planètes. « Nous prévoyons que les astronomes seront nombreux à utiliser SPIRou dans la prochaine décennie », a déclaré Jean-François Donati. « Cet instrument complète très bien d’autres instruments dédiés à la recherche et la caractérisation d’exoplanètes, comme le télescope spatial TESS, récemment lancé, le télescope spatial James Webb, qui sera lancé en 2020, et la mission européenne PLATO, prévue pour 2026. »

 

Les premières semaines de SPIRou à Hawaï

Au cours de l’année 2017, SPIRou a subi de nombreux tests à l’Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie de l’IRAP/Observatoire Midi-Pyrénées (CNRS/INSU, Université Paul Sabatier, Toulouse, France). Après avoir été emballé puis livré à Hawaï en janvier 2018, SPIRou a été installé dans son nouvel emplacement au troisième étage du bâtiment abritant le télescope, et réassemblé par des ingénieurs et des spécialistes de l’IRAP/OMP (Toulouse, France), de l’Observatoire de Haute-Provence (St-Michel, France), du Centre de recherche Herzberg en astronomie et en astrophysique du Conseil national de recherches du Canada (Victoria, Canada), de l’Observatoire du Mont-Mégantic et de l’Université de Montréal (Montréal, Canada), avec un soutien inestimable de toute l’équipe du TCFH.

Une partie de l’équipe des ingénieurs français, canadiens et du TCFH, après la fermeture du cryostat de SPIRou, qui se trouve derrière eux. Crédit : équipe SPIRou

Puisqu’il est sensible à la lumière infrarouge, SPIRou doit être refroidi à une température de 200 °C sous zéro. Après avoir été refroidi pour une première série de tests en février, l’instrument a été réchauffé en mars afin d’y installer son capteur de haute performance, un détecteur Hawaii 4RG (H4RG). Ce détecteur, fabriqué par Teledyne Imaging Systems, a été préalablement testé et assemblé à Montréal par les chercheurs et ingénieurs de l’Observatoire du Mont-Mégantic et de l’Université de Montréal. « Bien que le nombre de pixels du H4RG de SPIRou soit semblable à celui des caméras disponibles pour le grand public (16 mégapixels), il se distingue car il est optimisé pour un domaine différent de longueurs d’onde, en infrarouge », explique René Doyon. « C’est le plus grand détecteur de lumière infrarouge au monde, le premier de ce genre sur le Maunakea et probablement le seul au monde à être utilisé pour la recherche astronomique présentement! »

Petite portion du spectre obtenu par SPIRou de la naine rouge active AD Leo, avant (rouge) et après (bleu) que les raies du spectre de l’atmosphère terrestre (vert) aient été enlevées. Cette correction est critique pour identifier les raies qui sont propres à l’étoile visée et qui peuvent servir à détecter des planètes. Crédit :  J.-F. Donati

Lors de sa première mission en avril, SPIRou a non seulement observé des naines rouges, mais également des étoiles beaucoup plus chaudes. « L’atmosphère de la Terre ‘pollue’ toutes les observations qui sont faites à partir du sol », explique Étienne Artigau, chercheur CRAQ/OMM/iREx à l’Université de Montréal. « L’observation de ces étoiles chaudes permet de mesurer la contribution de l’absorption de l’atmosphère terrestre et de la corriger, ce qui est la clé pour obtenir des mesures scientifiques précises. Notre équipe a examiné un ensemble de techniques innovantes pour effectuer cette correction et supprimer efficacement l’effet de notre atmosphère. »

Après sa mise en service, SPIRou commencera à faire des observations pour les divers projets pour lesquels il a été conçu. « Beaucoup de travail reste à faire pour SPIRou, mais nous sommes encouragés par les résultats de cette première mission », a déclaré Daniel Devost, directeur scientifique au TCFH. « Toutes mes félicitations à toute l’équipe de SPIRou pour le travail qu’elle a accompli pour créer cet instrument exceptionnel. »

 

Plus d’informations

SPIRou a été conçu, financé et construit grâce à un consortium mondial d’instituts, à savoir l’IRAP (CNRS/UPS), les Services communs de l’Observatoire Midi-Pyrénées (CNRS/UPS/IRD/CNES/MétéoFrance), l’Observatoire de Haute-Provence, l’Institut de planétologie et d’astrophysique de Grenoble (CNRS / Université Grenoble Alpes), le Laboratoire d’astrophysique de Marseille (CNRS / CNES / Aix-Marseille Université), l’Institut d’Astrophysique de Paris (CNRS / Sorbonne Université), le Centre de recherche Herzberg en astronomie et en astrophysique du Conseil national de recherches du Canada, le Centre d’optique, photonique et laser de l’Université Laval, l’Observatoire du Mont-Mégantic, l’Université de Montréal au Canada, l’Academia Sinica Institute of Astronomy and Astrophysics à Taïwan, l’Observatoire de Genève en Suisse, le Laboratório Nacional de Astrofísica au Brésil, le Centro de Astrofísica da Universidade do Porto au Portugal et, bien sûr, le télescope Canada-France-Hawaii.

 

Personnes ressources

Pour les journalistes

Mary Beth Laychak
Directrice des communications
Télescope Canada-France-Hawaii
mary@cfht.hawaii.edu

Marie-Eve Naud
Institut de recherche sur les exoplanètes
Université de Montréal 514-343-6111, poste 7077
naud@astro.umontreal.ca

Contacts scientifiques

Jean-François Donati
IRAP, Toulouse, France
jean-francois.donati@irap.omp.edu

René Doyon
Directeur de l’Observatoire du Mont-Mégantic
Directeur de l’Institut de recherche sur les exoplanètes
Professeur, Université de Montréal
doyon@ASTRO.UMontreal.CA

 

Liens

Lien vers le communiqué de presse Canada-France-Hawaii (en anglais)

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