L’instrument Near InfraRed Planet Searcher (NIRPS), conçu en partie à l’Université de Montréal et l’Université Laval, a réalisé avec succès ses premières observations. Installé sur le télescope de 3,6m de l’ESO à l’Observatoire de La Silla au Chili, la mission de NIRPS est de chercher de nouvelles exoplanètes autour d’étoiles dans le voisinage solaire.

Cette photographie montre l’instrument NIRPS et son système d’optique adaptative, qui est installé au télescope de 3,6 mètres de l’ESO. La lumière collectée par le télescope est dirigée à travers une série de miroirs avant d’être injectée dans une fibre optique. Grâce à ce système d’optique adaptative, les perturbations de l’atmosphère terrestre peuvent être corrigées, ce qui permet des observations plus nettes. Crédit : N. Blind (Observatoire de Genève)/Consortium NIRPS/ESO
« Il a fallu beaucoup de temps pour concevoir le NIRPS, et je suis ravi du rendu de la mission ! » s’exclame René Doyon, Directeur de l’Institut de recherche sur les exoplanètes et de l’Observatoire du Mont-Mégantic, à l’Université de Montréal, et un des chercheurs responsables de NIRPS. « Cet instrument infrarouge incroyable nous aidera à trouver les mondes habitables les plus proches de notre propre système solaire. »
L’instrument concentrera ses recherches sur des mondes rocheux, qui sont des cibles-clés pour comprendre comment les planètes se forment et évoluent. Ce sont également les planètes où la vie pourrait plus probablement se développer. Le NIRPS cherchera ces exoplanètes rocheuses autour des petites et froides naines rouges – le type d’étoiles les plus communes dans notre galaxie, la Voie lactée, lesquelles ont des masses d’environ deux à dix fois plus petites que notre Soleil.
Le NIRPS cherchera des exoplanètes par la méthode des vitesses radiales. Lorsqu’une planète est en orbite autour d’une étoile, son attraction gravitationnelle fait légèrement vaciller l’étoile, provoquant un décalage de sa lumière vers le rouge (redshift) ou le bleu selon qu’elle s’éloigne ou se rapproche de la Terre. En mesurant les changements subtils de la lumière de l’étoile, le NIRPS permettra aux astronomes de mesurer la masse de la planète ainsi que d’autres propriétés.
Le NIRPS cherchera ces infimes variations spectrales en utilisant la lumière infrarouge, puisque c’est la principale gamme de longueur d’ondes émises par de si petites étoiles froides. Il rejoint le High Accuracy Radial velocity Planet Searcher (HARPS) dans la chasse aux nouveaux mondes rocheux. Le HARPS, qui est installé sur le télescope de 3,6m de l’ESO à l’Observatoire de La Silla au Chili depuis 2003, utilise également la méthode des vitesses radiales, mais opère en utilisant la lumière visible. Utiliser ces deux instruments à la fois permettra une meilleure compréhension de ces mondes rocheux.
Une autre différence-clé entre les deux instruments est que le NIRPS s’appuie sur un puissant système d’optique adaptative. L’optique adaptative est une technique qui corrige l’effet des turbulences atmosphériques, qui fait scintiller les étoiles. Grâce à cette technologie, le NIRPS va plus que doubler son efficacité à la fois pour la détection et l’étude des exoplanètes.
« Le NIRPS rejoint un très petit nombre de spectrographes infrarouge de haute-performance. Il est considéré comme une pièce maîtresse pour effectuer des observations en synergie avec les missions spatiales telles que le télescope spatial James Webb et d’autres observatoires au sol, » ajoute François Bouchy, de l’Université de Genève en Suisse, et également l’un des chercheur responsable de NIRPS.
Les découvertes faites avec le NIRPS et le HARPS seront suivies par quelques-uns des observatoires les plus puissants au monde, tels que le Very Large Telescope et le futur Extremely Large Telescope (pour lesquels des instruments similaires sont en développement) de l’ESO au Chili. En travaillant conjointement aussi bien avec des observatoires basés dans l’espace que sur la planète Terre, le NIRPS sera en mesure de collecter des indices sur la composition d’une exoplanète, et même de rechercher des signes de vie dans son atmosphère.

Pour pouvoir fonctionner dans l’infrarouge, l’instrument NIRPS doit être maintenu à des températures extrêmement froides, afin d’éviter que la chaleur n’interfère avec les observations. Nous voyons ici la chambre cryogénique cylindrique dans laquelle sont installés les composants optiques de l’instrument. La chambre cryogénique maintient les composants dans un environnement sous vide et refroidis à une température glaciale de -190 degrés Celsius. Crédit : F. Bouchy (Observatoire de Genève)/Consortium NIRPS/ESO
Le NIRPS a été construit par une collaboration internationale dirigée par l’équipe de l’Observatoire du Mont-Mégantic et de l’Institut de recherche sur les exoplanètes de l’Université de Montréal au Canada et l’Observatoire astronomique de l’Université de Genève en Suisse. Une grande partie de l’assemblage et des tests mécaniques et optiques de l’instrument a été réalisée au cours des dernières années dans les laboratoires du Centre d’optique, de photonique et de lasers (COPL) de l’Université Laval par le professeur Simon Thibault et son équipe. Le Centre de recherche Herzberg en astronomie et en astrophysique du Conseil national de recherches du Canada a contribué à la conception et à la construction du spectrographe.
« Après deux ans d’intégration et de tests de l’instrument en laboratoire, c’est incroyable pour l’équipe d’ingénierie optique de voir NIRPS sur le ciel » mentionne Simon Thibault qui est affilié au COPL et à l’OMM et qui a supervisé les phases d’intégration et de tests optiques à l’Université Laval.

Nous voyons ici les premières données brutes de l’instrument NIRPS, le spectre de l’étoile de Barnard. Chaque ligne horizontale correspond à une étroite région de lumière où sont visibles à la fois les lignes d’absorption de l’étoile et l’absorption de l’atmosphère terrestre. Les lignes en pointillés correspondent au peigne de fréquence, une « règle » qui sert de référence aux lignes horizontales, afin que les scientifiques puissent savoir à quelles longueurs d’onde de la lumière elles correspondent. Crédit : Consortium ESO/NIRPS
De nombreux membres canadiens de NIRPS ont travaillé sur le site de La Silla pendant la période de mise en service de l’instrument et continueront à le faire au cours des prochains mois pour assurer les opérations scientifiques de l’instrument. L’équipe scientifique de NIRPS, qui comprend plusieurs astronomes canadiens, obtiendra 720 nuits sur l’instrument au cours de ses 5 premières années d’opérations scientifiques en raison de son importante contribution au projet. Bien que toute l’équipe ait été enthousiasmée par les premières lumières de NIRPS, on peut dire que le meilleur reste à venir !
Pour plus d’information
Les instituts impliqués dans le consortium de NIRPS sont l’Université de Montréal, Canada; l’Université de Genève, l’Observatoire Astronomique, Suisse; l’Instituto de Astrofísica e Ciências do Espaço, Porto, Portugal; l’Instituto de Astrofísica de Canarias, Espagne; l’Université de Grenoble, France; et l’Universidade Federal do Rio Grande do Norte, Brésil.
L’équipe canadienne NIRPS, menée par l’Université de Montréal/l’Institut de recherche sur les exoplanètes/l’Observatoire du Mont-Mégantic et comprenant l’Université Laval, le Centre de recherche Herzberg en astronomie et en astrophysique du Conseil national de recherches du Canada et le Collège militaire royal, a reçu un financement du Fonds canadien pour l’innovation pour construire l’instrument NIRPS.
Contacts
René Doyon
Professeur, Co-chercheur principal de NIRPS
Institut de recherche sur les exoplanètes, Observatoire du Mont-Mégantic — Université de Montréal
Tel: +1 514 343 6111 x3204
Courriel: rene.doyon@umontreal.ca
Frédérique Baron
Gestionnaire adjointe du projet NIRPS
Observatoire du Mont-Mégantic — Université de Montréal
Tel: +1 514 277 2858
Courriel: frederique.baron@umontreal.ca
Simon Thibault
Professeur, membre de l’équipe d’ingénierie optique de NIRPS
Centre d’optique, photonique et laser — Université Laval
Québec
Tel: +1 418 656 2131 x 412766
Courriel: simon.thibault@phy.ulaval.ca
Anne-Sophie Poulin-Girard
Professionnelle de recherche, membre de l’équipe d’ingénierie optique de NIRPS
Centre d’optique, photonique et laser — Université Laval
Québec
Tel: +1 418 656 2131 x 404646
Courriel: anne-sophie.poulin-girard@copl.ulaval.ca
Nathalie Ouellette
Coordonnatrice
Institut de recherche sur les exoplanètes — Université de Montréal
Tel: +1 613 531 1762
Courriel: nathalie.ouellette.2@umontreal.ca
Nous sommes heureux d’apprendre la nomination d’Anne-Sophie Poulin-Girard au Conseil du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) pour un mandat de 3 ans.
Anne-Sophie Girard-Poulin est chercheuse à l’Observatoire et au Département de physique, de génie physique et d’optique de l’Université Laval, d’où elle détient d’ailleurs un doctorat. Son expertise en instrumentation et métrologie optique l’a amené à contribuer à plusieurs projets de recherche et de développement. Elle a été également coordonnatrice scientifique de la Chaire d’excellence en recherche du Canada en neurophotonique.
Reconnue par ses pairs pour ses travaux dans le domaine de l’éducation en optique-photonique, Anne-Sophie Poulin-Girard a co-présidé le congrès international ETOP tenu à Québec en 2019 et a occupé des postes importants de gouvernance au sein d’organisations internationales. Elle s’est notamment impliquée auprès de la société professionnelle internationale sans but lucratif SPIE, the International Society for Optics and Photonics, qui regroupe plus de 21 000 membres. Elle a occupé entre autres les rôles de présidente du comité d’éducation de la société et a obtenu un poste au sein du comité de planification stratégique du SPIE pendant 3 ans.
Rapidement conscientisée à l’importance de la diversité, de l’équité et de l’inclusion (EDI) en sciences et en génie, Anne-Sophie Poulin-Girard est impliquée depuis 2012 dans Women in optics. Elle a également pris part à l’élaboration d’une activité pilotée par Sentinelle Nord dans le cadre de la Journée internationale des femmes et des filles en science en 2020 et a récemment été nommée au comité EDI du Centre d’optique, photonique et laser.
Le CRSNG soutient l’écosystème de découverte et d’innovation en science et en génie à travers le Canada, en investissant annuellement plus de 1,3 milliard de dollars. Les membres du Conseil sont sélectionnés par le biais d’un processus fondé sur le mérite pour sélectionner les meilleurs candidats. Le Conseil est formé de 18 Canadiennes et Canadiens d’exception.
Toutes nos félicitations pour cette nomination fort méritée!

Le Soleil lors de l’éclipse du 21 août 2017. Crédit : Étienne Artigau
L’Observatoire du Mont-Mégantic et ses partenaires l’Institut de recherche sur les exoplanètes et le Centre de recherche en astrophysique du Québec vous invitent à sortir admirer l’éclipse solaire qui aura lieu au lever de Soleil, le matin du 10 juin 2021.
Un spectacle rare!
Une éclipse solaire se produit quand la Lune se place directement entre la Terre et le Soleil, le cachant en partie ou au complet. Dans le sud du Canada, l’éclipse sera partielle, c’est-à-dire que le Soleil ne sera pas complètement caché. À Montréal, l’éclipse sera déjà commencée au lever du Soleil, vers 5h07, et le maximum sera atteint à 5h39. À ce moment, 79% de la surface du Soleil sera cachée par la Lune. Une heure plus tard, à 6h39, l’éclipse sera terminée.

Cette carte montre les différentes zones où l’éclipse du 10 juin 2021 sera visible au Canada : dans la région bleu foncé, l’éclipse sera annulaire, tandis que dans les régions verte, jaune et rouge, elle sera partielle. À Montréal, qui se trouve dans la zone jaune, le Soleil se lèvera déjà éclipsé. Crédit : ASTROLab du parc national du Mont-Mégantic/À la découverte de l’Univers.
« Les éclipses solaires, même partielles, sont des phénomènes astronomiques rares, car ils ne sont visibles que dans une région limitée du globe. C’est vraiment un spectacle qui vaut la peine d’être admiré! » explique Frédérique Baron, médiatrice scientifique de l’OMM et astrophysicienne à l’Université de Montréal.
C’est dans un corridor qui s’étire du nord de l’Ontario et du Québec jusqu’en Sibérie, en passant par le Nunavut, que le spectacle sera le plus impressionnant, car la silhouette de la Lune viendra se placer directement sur le Soleil, cachant tout son centre et ne laissant qu’un anneau du Soleil visible.
« C’est la première fois qu’une telle éclipse — une éclipse annulaire — sera observée dans le ciel québécois depuis 1930 ! » ajoute Nathalie Ouellette, astrophysicienne à l’Université de Montréal.
Envie de profiter de l’éclipse?
L’Institut et ses partenaires participent à plusieurs initiatives pour vous encourager à vous lever tôt le 10 juin pour apprécier cet événement rare!
Attention! Il ne faut jamais observer le Soleil directement, pendant une éclipse ou à tout autre moment. Même partiellement éclipsé, le Soleil représente toujours un grave danger pour la rétine.
« Pour observer le Soleil de manière sécuritaire, il faut utiliser un filtre solaire qui ne laisse passer qu’une infime fraction de la lumière, conforme à la norme [ISO 12312-2 : 2015], ou encore de suivre le spectacle indirectement, en utilisant un mécanisme de projection. » explique Frédérique Baron.
Des filtres solaires distribués gratuitement dans les bibliothèques à Montréal

Les fiches d’information munies d’un filtre détachable sont disponibles dans plusieurs bibliothèques de la ville de Montréal. Le filtre permet d’observer le Soleil de manière sécuritaire. Crédit : Espace pour la vie.
À Montréal, ce sont plus de 4 000 filtres solaires qui seront distribués gratuitement grâce à une initiative conjointe de l’OMM, du Planétarium Rio Tinto Alcan d’Espace pour la vie, du Centre de recherche en astrophysique du Québec, de l’Institut de recherche sur les exoplanètes et de la Société d’astronomie du Planétarium de Montréal.
Pour vous procurer une fiche d’information munie d’un filtre détachable qui permet de regarder le Soleil en toute sécurité, rendez-vous à la Bibliothèque des sciences du Complexe des sciences du campus MIL, à la Bibliothèque de mathématiques et informatique au Pavillon André-Aisenstadt ou dans votre bibliothèque municipale de l’île de Montréal. La plupart de ces dernières en distribueront, à partir du 1er juin. Faites vite! Les quantités sont limitées!
Le Défi Éclipse, une option ludique pour suivre l’éclipse

On peut créer une projection personnalisée tout simplement avec deux feuilles de papier, comme sur cet exemple avec le logo du Centre de Recherche en Astrophysique du Québec. Crédit : CRAQ.
Même sans filtre solaire, il est possible de suivre l’éclipse en regardant une projection du Soleil, que l’on peut créer très facilement. Le Défi Éclipse, lancé par À la découverte de l’univers, et pour lequel l’iREx est partenaire, vous encourage à créer votre propre système de projection pour suivre l’éclipse de manière sécuritaire.
« On pourrait penser qu’il est compliqué de créer un système de projection pour observer une éclipse solaire de manière sécuritaire, mais ce n’est pas le cas! » explique Marie-Eve Naud, astrophysicienne à l’Université de Montréal et chargée de projet pour À la découverte de l’univers. « On peut en fabriquer un en moins d’une minute avec deux feuilles et un objet pointu comme un crayon bien aiguisé, utiliser une passoire ou un ustensile troué, ou même sans matériel du tout, en utilisant nos mains! ».
Pour vous accompagner le 10 juin, le balado Les Astrophysiciennes est là!
Le jour même de l’observation, rendez-vous – idéalement avant le lever du Soleil! – dans un endroit où l’horizon est dégagé à l’est-nord-est. Pour accompagner vos observations, un épisode spécial du balado Les Astrophysiciennes sera en ligne très tôt le matin du 10 juin.
Vous retrouverez nos astrophysiciennes Frédérique Baron et Nathalie Ouellette, ainsi que des collaborateurs d’Espace pour la vie et d’À la découverte de l’univers, pour en apprendre plus sur les éclipses solaires.
L’invitation est lancée! Le matin du 10 juin, attrapez votre filtre solaire ou votre dispositif de projection, écoutez Les Astrophysiciennes, et sortez voir l’éclipse!
Pour plus d’information
Frédérique Baron, astrophysicienne
Médiatrice scientifique
Observatoire du Mont-Mégantic, Institut de recherche sur les exoplanètes, Université de Montréal
frederique.baron@umontreal.ca
Nathalie Ouellette, astrophysicienne
Coordonnatrice
Institut de recherche sur les exoplanètes, Université de Montréal
nathalie.ouellette.2@umontreal.ca
613-531-1762
Marie-Eve Naud, astrophysicienne
Coordonnatrice scientifique à l’éducation et au rayonnement
Institut de recherche sur les exoplanètes, Université de Montréal
Chargée de projet
À la découverte de l’univers
marie-eve.naud@umontreal.ca
514-279-3222
Pour avoir plus d’information sur l’éclipse, vous pouvez consulter
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Posted by Frédérique Baron on février 2, 2021 · Leave a Comment
SPIRou, le nouveau spectropolarimètre infrarouge de haute précision récemment installé au télescope Canada-France-Hawaii, a permis de mesurer pour la première fois la masse et la densité d’une planète semblable à Neptune en orbite proche autour d’une étoile jeune et extrêmement active. Ces résultats s’inscrivent dans une étude internationale des propriétés de ce système planétaire récemment découvert, impliquant notamment le télescope Canada-France-Hawaii et des chercheurs de l’Institut de recherche sur les exoplanètes.

Vue d’artiste de la très jeune naine rouge éruptive AU Mic et de sa planète nouvellement découverte, avec au loin le disque de débris qui a donné naissance à la planète. Crédits : NASA-JPLCaltech
AU Microscopii (AU Mic) est une jeune étoile située à seulement 32 années-lumière de la Terre, dans la constellation du Microscope. Avec une masse de la moitié de celle du Soleil et une température d’à peine 3500°C (contre 5500°C pour le Soleil), c’est ce qu’on appelle une naine rouge. AU Mic et sa planète AU Mic b sont âgées de 22 millions d’années, soit quelques mois à peine si l’on rapporte la durée de vie d’une étoile à celle d’un être humain.
Détecter des planètes avec SPIRou au Télescope Canada-France-Hawaii
SPIRou est le nouveau spectropolarimètre infrarouge de haute précision installé depuis 2018 au Télescope Canada-France-Hawaii (TCFH) de 3,6 m situé au sommet du Mauna Kea sur la grande île d’Hawai’i. Cet instrument est le fruit d’une collaboration internationale dirigée par Jean-François Donati (Université de Toulouse, IRAP), chercheur principal du projet, et de René Doyon, co-chercheur principal et directeur de l’Institut de recherche sur les exoplanètes et de l’Observatoire du Mont-Mégantic. Fonctionnant dans l’infrarouge, SPIRou a été optimisé pour la détection d’exoplanètes et la cartographie des champs magnétiques des naines rouges et des étoiles jeunes, qui brillent dans ce domaine de longueur d’onde.
Pour trouver des exoplanètes, SPIRou utilise la technique de la vélocimétrie, qui consiste à mesurer le mouvement de l’étoile dû à l’attraction gravitationnelle de toutes ses planètes. L’amplitude de ce mouvement nous renseigne sur la masse de la planète, sur la distance respective des deux corps et sur l’inclinaison et la forme de l’orbite de la planète. SPIRou est également capable d’effectuer en même temps une analyse polarimétrique de la lumière stellaire, permettant de détecter le champ magnétique des étoiles, et ainsi de caractériser l’activité qui pollue les données vélocimétriques. En effet, si AU Mic b module la vitesse radiale de son étoile de 8.5 m/s, l’activité magnétique à la surface de AU Mic induit des variations apparentes de vitesse radiale qui peuvent atteindre 80 m/s et qui peuvent noyer le signal causé par la planète.

Le nouveau spectropolarimètre SPIRou, grâce auquel ces nouveaux résultats ont été obtenus, a été installé au Télescope Canada-France-Hawaii en 2018. Crédits : SPIRou team / S Chastanet (CNRS / OMP)
Une étoile rebelle
La forte activité magnétique AU Mic est due à son très jeune âge. Il y a à la surface de l’étoile des taches géantes abritant d’intenses champs magnétiques. Dans un tel contexte, détecter le petit signal de la planète dans le vacarme engendré par l’activité stellaire est un défi instrumental et observationnel que SPIRou a pu relever avec brio grâce à ses capacités vélocimétriques et polarimétriques uniques. Cette prouesse a nécessité une analyse détaillée des données SPIRou au moyen de techniques numériques sophistiquées, qui ont permis de révéler le signal planétaire par une modélisation précise des phénomènes magnétiques opérant à la surface de l’étoile jeune.
La masse de AU Mic b
SPIRou a mesuré pour la première fois la masse de AU Mic b et, combiné à la mesure de rayon obtenue par la TESS, l’équipe a pu obtenir la première estimation de la densité de la planète. AU Mic b se révèle être à peine plus dense que de l’eau, soit 4 fois moins dense la Terre, et sa densité est étonnamment similaire à celle de Neptune. AU Mic b orbite cependant 450 fois plus près de son étoile que Neptune ne le fait autour du Soleil. Son atmosphère atteint 300°C et on dit qu’il s’agit d’une planète de type Neptune chaude. AU Mic b devient ainsi la première planète dont la masse et la densité moyenne sont mesurées de manière fiable avec SPIRou, et la première planète jeune pour laquelle ces quantités sont connues.
À propos de l’étude
Quatre articles permettent de mieux connaitre le système d’AU Mic. L’article « Investigating the young AU Mic system with SPIRou: large-scale stellar magnetic field and close-in planet mass » sera publié dans la revue MNRAS, l’article « Spin-orbit alignment and magnetic activity in the young planetary system AU Mic« , dans Astronomy & Astrophysics, l’article « SPIRou: NIR velocimetry and spectropolarimetry at the CFHT » dans MNRAS et l’article « Early science with SPIRou: near-infrared radial velocity and spectropolarimetry of the planet-hosting star HD 189733 » dans Astronomy & Astrophysics. L’équipe scientifique comprend des chercheurs de l’IRAP/CNRS (B Klein, JF Donati, C Moutou), dont la plupart a aussi pris en charge la construction, la validation et les tests de l’instrument SPIRou à l’IRAP et au CFHT, de l’IAP/CNRS (E Martioli, G Hébrard, S Dalal), de l’IPAG (X Delfosse, X Bonfils), de l’Institut de recherche sur les exoplanètes (É. Artigau, R. Doyon, L. Malo, O. Hernandez, P. Vallée, N. Cook et S. Thibault) et de plusieurs autres pays et partenaires du projet SPIRou. Ces études ont bénéficié de ressources supplémentaires de l’ERC (European Research Council, bourse #740651 NewWorlds) et l’ANR (Agence Nationale de la Recherche, bourse ANR- 18-CE31-0019 SPlaSH). SPIRou a été financé par divers partenaires en France, Canada, CFHT, Switzerland, Brazil, Taiwan, et Portugal.
Références
- Klein, Donati, Moutou et al, 2020, MNRAS in press
- Martioli, Hébrard, Moutou et al, 2020, A&A 641, L1
- Donati, Kouach, Moutou et al, 2020, MNRAS 498, 5684
- Moutou, Dalal, Donati et al, 2020, A&A 642, 72
Communication:
CNRS/INSU : B Klein, JF Donati & C Moutou at IRAP, E Martioli & G Hébrard at IAP
Contact TCFH : mary@cfht.hawaii.edu
Site web SPIRou @ IRAP/OMP : http://spirou.irap.omp.eu
Posted by Frédérique Baron on septembre 9, 2020 · Leave a Comment
Le spectrographe de NIRPS, dont la conception est chapeautée par une équipe de l’Observatoire du Mont-Mégantic (OMM), du Centre d’optique photonique et laser (COPL) et de l’Institut de recherche sur les exoplanètes (iREx), en association avec des ingénieurs de l’Institut Herzberg d’astrophysique du CNRC, a obtenu en août ses toutes premières images en laboratoire, à l’Université Laval. C’est une étape importante avant que cet instrument soit installé au télescope de 3,6 m de La Silla au Chili et puisse débuter son étude des exoplanètes.
NIRPS (pour Near InfraRed Planet Searcher) est un spectrographe construit par une collaboration internationale menée par René Doyon, directeur de l’iREx et de l’OMM, et François Bouchy, de l’Observatoire astronomique de l’Université de Genève. Opérant dans le domaine de la lumière infrarouge, il est optimisé pour étudier des exoplanètes de masse similaire à la Terre autour d’étoiles froides. Il sera en opération dès 2021 au télescope de 3,6 mètres de La Silla, au Chili, opéré par l’ESO (European Southern Observatory).
« Cela fait 5 ans qu’on travaille sur NIRPS, » explique Étienne Artigau, chercheur à l’iREx et responsable scientifique de NIRPS. « C’est très motivant pour l’équipe scientifique de réaliser qu’on n’est plus qu’à quelques mois de se lancer à la recherche d’exoplanètes avec cet instrument. »
Premier cycle thermique
C’est pendant le printemps et une partie de l’été que l’assemblage de l’instrument a été effectué, sous la supervision de Simon Thibault, professeur à l’Université Laval, membre du COPL et membre associé de l’IREx, dans les laboratoires de l’Université Laval. Puis, l’équipe a pu amorcer le premier « cycle thermique » de l’instrument, le 31 juillet dernier. Cette étape consiste à rassembler tous les éléments optiques et à les aligner avec une grande précision dans le cryostat, une enceinte qui permet de maintenir l’appareil à une très basse température.

L’équipe procédant à la fermeture de l’enceinte cryogénique le 31 juillet 2020, dans les laboratoires du Centre d’optique-photonique et laser, à l’Université Laval. De gauche à droite : Lison Malo (iREx, OMM, Université de Montréal), Anne-Sophie Poulin-Girard (COPL, Université Laval), Hugues Auger (COPL, Université Laval) et Philippe Vallée (OMM, Université de Montréal). Crédit : Lison Malo.
Le spectrographe comprend, entre autres, cinq prismes de séléniure de zinc (ZnSe), un matériel optique idéal pour les observations dans l’infrarouge. Il décompose la lumière en un arc-en-ciel infrarouge allant de 0.97 à 1.81µm, une lumière invisible à l’œil nu.
« C’est tout un casse-tête de faire l’assemblage de l’instrument », raconte Philippe Vallée, spécialiste en instrumentation de l’Observatoire du Mont-Mégantic. « Il faut comprendre que c’est à la température ambiante qu’on doit placer toutes les composantes. Or, les pièces en verre se contractent beaucoup moins que les pièces en aluminium quand elles se refroidissent. Une erreur de calcul ou d’assemblage, et ça fait crac lors du refroidissement à température cryogénique! »

Philippe Vallée, spécialiste en instrumentation de l’Observatoire du Mont-Mégantic, travaille sur l’instrument. À gauche, on le voit procéder au collage des supports mécaniques sur les côtés d’un prisme de ZnSe. Le spectrographe est composé de 5 prismes comme celui-là. À droite, on le voit faire des ajustements sur le détecteur H4RG. Crédit : Lison Malo.
« Après l’intégration des sous-systèmes sur le banc optique, on doit s’assurer que tout est bien en place, selon les tolérances de positionnement fournies. », explique Anne-Sophie Poulin-Girard, professionnelle de recherche au COPL. « C’est une étape critique pour s’assurer que le système aura les performances souhaitées. Heureusement, on dispose de machines à mesurer tridimensionnelle qui nous permettent de vérifier le positionnement mécanique, et d’une panoplie de tactiques optiques pour valider l’alignement des différents éléments. »
Puisque NIRPS opère dans le domaine de la lumière infrarouge, il est crucial qu’il soit refroidi à environ -200 degrés Celsius, afin qu’il n’émette pas lui-même de lumière qui viendrait polluer les données. Le refroidissement est une procédure délicate qui nécessite près de deux semaines pour être complétée.
C’est le 12 août que l’équipe a pu prendre les premières images avec l’instrument. Comme l’instrument n’est pas encore au télescope, c’est non pas de la lumière d’une étoile, mais plutôt celle de lampes de calibration que ces images ont captée.